Corsica Ferries
LE TEMPS D’UN VISA.
by Selena, issue d’une histoire vraie vécue avec Paul.
Lexique préalable (recommandé)
Pour des raisons d’anonymat, nous avons préféré garder les identités de certaines personnes secrètes, vous trouverez donc dans cet article, de charmants surnoms.
- FV = France Volontaires. Association française chargée d'envoyer des volontaires à travers le monde entier de manière très cadrée afin qu'ils puissent partir "sereinement". J’ai été recrutée par FV pour cette mission.
- Violet : employée de France Volontaires en France, chargée de mon dossier administratif, et donc, de mon VISA.
- Noa : employé de France Volontaires au Cameroun, chargé de mon dossier administratif et de mon encadrement sur place.
- Le DG = Directeur Général de France Volontaires
- Vert : Employée de France Volontaires, son rôle demeure encore assez flou. Ayant conscience de son incompétence, Vert prend un malin plaisir à parler pour ne rien dire, ce qui fait d’elle une personne, ô combien inutile dans cette aventure.
- TOCKEM : Association locale camerounaise, basée à Nstingbeu avec qui nous allons travailler sur place. Nos interlocuteurs sont Jeremy et Stéphanie, qui subissent eux aussi ce retard conséquent et ont du repoussé le lancement de nos projets. TOCKEM dépend de FV, notamment pour le déploiement de volontaires. Paul a été recruté directement par TOCKEM, sans passé par FV (chance).
Voici le lien de l’asso : https://www.tockem.org
- Accord-cadre : accord signé entre FV et l’Ambassade Camerounaise pour que les Volontaires de FV puissent bénéficier de la gratuité du VISA. Un VISA humanitaire en quelques sortes. L’Ambassade, bien évidemment, rend compliqué l’obtention des VISA gratuits comme le mien, n’étant pas dans son intérêt. Je me retrouve au milieu d’un jeu diplomatique dans lequel, tout le monde se fiche de moi.
- Note verbale : document généré par l'administration camerounaise au MINREX, le Ministère des Affaires Extérieures, à Yaoundé. Ce document atteste de ma présence en tant que Volontaire de Solidarité Internationale et justifie la gratuité de mon VISA selon l’accord-cadre.
- Mon télo : téléphone qui capte mal, mais que j’aime beaucoup, fait aussi brièvement son apparition dans cet article ; je me dois donc de le présenter. Ne dispose pas d’internet et du GPS évidemment. Perdu suite à la soirée au Teuf Teuf, mais retrouvé 2 jours après, car trop moche pour être volé.
Le temps d’un VISA. (ça commence ici)
Chapitre 1 : Etat des lieux
6 mois que j’ai posé ma démission. 6 mois que Paul a fini son stage. Pas de thunes, pas moyen de trouver un taffe car on est sensés partir dans 15 jours depuis septembre. Retour chez les parents. Procédures du VISA enlisées. Pourtant, commencées en août. FV* promet encore et toujours que mon VISA sera"bientôt"prêt.
Un premier refus de l'ambassade camerounaise en octobre. Et oui... FV avait transmis une Mauvaise version de la Note verbale* dans mon dossier. Il faut donc régénérer le document à Yaoundé. Normalement ca prend 2 jours. Mais Noa*, employé de FV basé au Cameroun, est lent. La chose traîne. Tous les jours, "c’est réglé dans 2 jours t’inquiètes", jusqu’à ne plus avoir de nouvelles du tout. Le temps file. Moral à zéro. Obtention de la Version finale de la Note Verbale en 1 mois(scandaleux) et non sans forcing (nous avons du piégé Noa pour que ces collègues se rendent compte de son inaction, ce qui l'a enfin fait bougé, bref). Phase up, on y recroit, on voit même la Corse au loin. Violet*, employée de FV basée à Paris, nous assure que le 20 décembre, mon dossier sera déposé à nouveau et que mon VISA sera disponible en 3 jours. Dans la foulée, on fixe avec FV un départ au 10 janvier 2021. Waw, on prévient les copains, le projet d'une soirée atypique *HASTA LA VISTA BYE BYE INCHALLAH* est lancé!
Finalement... que nenni. Rien le 20 décembre. Reporté au 27, Rien le 27. Reporté au 03 janvier, Rien le 03 janvier. Reporté au 10 janvier. Aucune raison valable n’explique ces refus. Chaque semaine ressemble à l'attente dans une gare en période de grève, pas de train... mais on est quand même là. La soirée des bye bye a lieu. Des aurevoirs qu'on a peut être déjà trop fait pour y croire vraiment (rpz le Vercors💌). Au fond, tout le monde le sait, notre départ en couple est incertain, on évite le sujet. Mais bon, la fête est tip top et nous donne du baume au coeur, vraiment (donc merci les cops 💛).
Chapitre 2 : Lundi 10 janvier
Réveil. Espoir d'apprendre que ce dossier sera enfin déposé ce matin à l’ambassade à Paris 10h. 10h passe. 11h. Pas de nouvelles de Violet. Midi sonne, nada. Mails. Appels. Rien. La journée s'écoule. Silence radio depuis le 03 janvier. En effet, Violet nous avait promis de passer par un VISA payant si nous avions encore un soucis de dépôt. Chose qu’elle n’a pas fait. N’assumant pas son incompétence, elle faisait la morte depuis une semaine. Aucune explication donnée à cette situation qui n'en finit pas. Qui n’en finit jamais. Au fond du trou.
Chapitre 3 : Mardi 11 janvier
Au lever, vérification des mails. Rien. Elle fait exprès, c'est pas possible. Appels au standard de FV, réponse : "Violet est en ligne, déso". Putain mais quelle conne. Midi. Toujours rien. Paul prend son billet pour le Cameroun, le 28 janvier, en solo, comme on se l’était dit si je n’avais toujours pas de nouvelles de mon VISA à cette période.
FLOU..
MORAL DANS LES CHAUSSETTES...
ABANDON DU NAVIRE...
Rappel vers le standard de FV : mon numéro est bloqué. Putain. On se fout tellement de ma gueule. Depuis des mois. Mais, est-ce que je vais vraiment partir?! Pourquoi personne ne me répond?!? Difficile. Très difficile. L'après-midi passe lentement. Ma personne se transforme en larve humaine. Au fin fond de la perte de soi. Alice et Hélène arrivent : "Mais allez à Paris, directement!" Paul m’assiste. Il prend nos billets pour 18h. On fait nos affaires. 17h, réponse de Violet : "Hier encore, le dossier n'a pas pu être déposé, on va continuer "d'essayer de déposer le dossier"(ptn, ce genre d’objectifs...) jusqu'au 31 janvier, et ensuite on avisera, peut-être qu'on payera 240e si c'est vraiment nécessaire mais on préférerait vraiment que l’accord-cadre fonctionne. Le directeur est au courant, il nous demande d'attendre". Scandaleux. N'importe quoi, mais pourquoi on paye pas de suite?! Je l’ai proposé 20 fois. Je le paye moi même. En 3 jours le problème serait clos, ça fait 6 mois que ça dure et FV se remue pas mais putain. Les nerfs. On se rend à la Gare Perrache, direction Paris. Au même moment, TOCKEM* nous incite à ne surtout pas faire de vagues et à ne pas nous rendre au siège de FV, c'est inutile, il faut malheureusement attendre le 31 janvier, mais bon, on leur répond : "On est déjà dans le train". On prévient Violet qu’on sera à Paris demain pour la voir. Sa réponse : "Peux pas vous rencontrer, suis en tvtravail". Grosse conne. On arrive à Paris chez Élisa et Louis (big up à eux!) . Prières devant la Tour Eiffel. Inchallah demain ça marche.
Chapitre 4 : Mercredi 12 janvier
Réveil violent avec un mail de Vert*, inconnue au bataillon: "Surtout, ne venez pas au siège, on ne vous recevra pas, AUCUNE PERSONNE N’EST ACCEPTÉE DANS L’ÉTABLISSEMENT. On s’est mis d’accord pour attendre jusqu’à fin janvier et envisager un départ mi février. Ne venez pas". Ignorance véritable du mail de Vert grosse conne. On se rend au siège. On entre, "Bonjour, on a un RDV d’urgence avec le Directeur" (FAUX, vous l’avez compris, personne ne nous attend), "Ok, asseyez-vous la en attendant". On s’assoit. "Mr le DG n’est pas là, vous avez bien pris RDV?", "Oui oui", bref. Un homme arrive, le bras droit du DG. "Bonjour Monsieur, cela fait 6 mois que nous attendons un VISA, il faut absolument que l’on parle à quelqu'un", "Bien sûr, venez, on va dans mon bureau". On s’installe. Il nous demande d’expliquer la situation. Il prend tout en note. Il est abassourdi. Il n’a jamais eu vent de la situation. Il appelle le Directeur. 3 fois. Ca ne décroche pas. Mince. "Est-ce que c’est possible d’avoir les coordonnées du Directeur svp? - Oui, bien sûr, tenez." Il nous assure de tout faire remonter et de nous tenir informés. On repart. Écriture du suce dit mail au Directeur dans les escaliers de FV. On quitte FV. Réponse immediate du DG : "Je suis désolé d’apprendre votre situation, donnons nous rdv demain 16h " Bonne nouvelle. Mais rien n’est gagné... Pure pitié? Politesse? Ou réelle envie de m’aider ? On saura ça demain. La nuit tombe. On prie de nouveau devant la Tour Eiffel.
Chapitre 5 : Jeudi 13 janvier
Paul quitte Paris. Il s’en va à Marseille déposer son dossier de VISA. Pour Paul, procédure payante, VISA prêt en 3 jours. Je prends l’air. Je déjeune dans un restau, chic, bizarrement. J’en profite pour préparer mon discours auprès du DG. Je m’entraîne donc en parlant toute seule dans ce restau. Je marmone dans ma barbe "Bonjour Monsieur le Directeur, merci de bien vouloir m’accorder ce temps blabla" . Regards étranges des personnes qui m’entourent. Bref, 14h30. Je me dirige vers FV. Je me trompe de RER. Je sors carrément de Paris car le RER ne dessert exceptionnellement pas toute une dizaine d’arrêts. J’arrive à Juvisy (qui connaît?). Je prends le RER retour. J’arrive bientôt. Les contros. Mon ticket n’est pas valable dans cette zone. Je suis faite comme un rat. Je paye. Je suis stressée. Je cours. J’ai peur d’être en retard. J’ai pas de GPS avec mon beau télo*. Je galère. Je retrouve la direction. J’arrive à 16h tout pile, transpirante à mort. Je me présente à l’accueil. J’attends le DG dehors pour sécher. Je sèche. Il arrive. Bonjour. Pas de poignée de mains. Je le suis. On monte dans l’ascenseur. Silence. Il se retourne, me sourit à travers son masque. Ses yeux se plissent. Il reste comme ça un temps. Dans ma tête: "Est ce qu’on est vraiment obligé de se sourire hypocritement?", dans les faits : je souris hypocritement telle une vieille miskine. On reste dans ce nuage de faux sourires jusqu’à ce que l’ascenseur s’ouvre enfin. Ouf. Putain. C’était long. Direction la salle de réunions. On s’assoit. Aux premiers mots je saurai s’il est fake ou sincère. Je commence : ”Bonjour Monsieur le Directeur, merci de bien vouloir m’accorder ce temps de parole blabla... je ne pourrais pas repartir les mains vides, il nous faut trouver une solution franche, concrète et définitive pour que je sois à Yaoundé au plus tard le 31” Il m’écoute. Il s’excuse de la situation. Après avoir reçu mon mail la veille, il m’a obtenu un RDV d’urgence à l’Ambassade pour le vendredi même. Il me propose de m’y rendre en personne, de faire entendre mes droits en tentant de l’avoir gratuitement (via le fameux accord-cadre). En cas d’échec, on payera, et il me donne l’autorisation de prendre en charge mon dossier seule (sans que Violet ni personne d’autre ne s’en occupe). Il me demande clairement de cibler les problèmes que j’ai rencontrés : c’est mon moment, je poucave tout le monde, et donc, les gros.se.s con.ne.s. Ça me fait un bien fou. Je le remercie. Lui aussi. Je repars, direction chez mon frère Luka. La nuit tombe. Je remercie quelque chose là-haut de m’avoir aidé ces 2 derniers jours, moi, croyante dans l’urgence, et je prie à ma manière pour le lendemain.
Chapitre 6 : Vendredi 14 janvier
10h30. À l’Ambassade camerounaise. Je suis au téléphone. Une vieille dame se range derrière moi, je devine que c’est Violet (seule blanche de la file d’attente, très perspicace). Je l’observe. La soixantaine, très petite, cheveux courts, allure très garçonne, semble mal à l’aise dans cette foule, agite son regard de partout. Je raccroche. Je me présente. Elle me fait d’entrée de jeu une blague lourdingue, la première d’une longue série. Je ne comprends pas. J’ai pas vraiment envie de rire. Elle tente de détendre l’atmosphère désespérément. Bizarre. Sur présentation de notre RDV, on passe les portes de l’Ambassade. On demande Mme la première Conseillère. Elle n’est pas là. On attend. 10h45. 11h. Violaine tente d’autres blagues. Nulles. 11h15. Elle arrive enfin. Elle nous demande de la suivre. Elle nous emmène dans le bureau du Consul. On s’installe. Elle nous demande mon dossier. Elle vérifie chacun des documents. Elle en scanne certains. Elle prend son temps, clairement. Elle demande Marc. Marc arrive : "Fais-moi la pastille". Marc s’en va. Il revient 15 minutes plus tard et me tend
MONVISAAAA
Je n’y crois pas, c’est ça, ce que j’attends depuis si longtemps! Mince, je vois une erreur. Je suis née en 1977. Marc est déso, il repart confectionner une nouvelle pastille 1997. Il revient 15 min plus tard. C’est parfait. Violet sourit bêtement. On remercie la dame. On sort de l’Ambassade, le VISA en poche. Putaaaaaaain. Violet est là "Ouais, quel beau travail d’équipe! Fabuleux", je repense à Paul qui m’avait dit une chose "Surtout, ne dis jamais merci à cette Violet si tu la rencontres, JAMAIS". Elle reste à côté de moi, comme si elle attendait quelque chose. Je lui dis "Je vais partir de ce côté, j’espère que ça se passera mieux pour les autres, au revoir". Elle s’en va. Je reste devant l’ambassade. Putain. En 2 jours on a réglé un problème de 6 mois (c’est chaud), qui aurait pu durer encore longtemps si on n’était pas montés ici...
Mais bref,
J’appelle Paul et la madré.
Je crie.
Je danse devant l’ambassade.
Les gens dansent avec moi.
On m’offre un sandwich car je suis heureuse.
J’aime cette vie où l’on m’offre des sandwichs. Waw.
THE END.
Ps: on part donc le 28 janvier for real
Je me délecte de tes talents d écrivaine
RépondreSupprimer😍
Quel plaisir de te lire !!! J'ai mis le blog en favori dans ma barre de recherche et j'y fais un petit tour tous les jours... très sympa quand je veux faire une pause au travail hihi
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